Domaine historique de Soye à Ploemeur
Du Château et son jardin conservatoire... aux baraques. Depuis 230 ans, le château de Soye, situé sur la commune de Ploemeur, domine la vallée du Ter. Appelé à devenir un haut lieu d'histoire, ce domaine connaîtra toutefois de fâcheux points noirs entachant la mémoire collective. Aujourd’hui, fatigué, en ruines, l’histoire et le patrimoine du domaine n'ont pourtant pas d'égal à Lorient Bretagne Sud. Des armateurs de la Compagnie des Indes au Technopole en passant par le potager, son orangerie, visitez de ce lieu unique en Morbihan.
Le domaine de Soye : un petit Versailles en cadeau de noces
En 1777 est célébré, à Ploemeur, le mariage de Laurent Esnoul Deschâtelets (ancien maire de Lorient) avec Émilie Offray de La Mettrie.
Neuf ans plus tard, en 1786, Laurent Esnoul fait construire le château actuel et sa superbe orangerie. Et pour cause, il souhaitait un tel patrimoine, lui permettant de conforter sa place au sommet de l’échelle sociale. Il acquiert ainsi les terres des moulins de Soye et de l’Etang-Biais.
Il s’agissait d’une luxueuse résidence dans le style de l’époque avec de grandes cheminées, un toit d’ardoises et de vastes dépendances. Le parc du château de Soye comportait à l’origine près de 2.500 arbres à l’ombre desquels les nobles dames chapeautées aimaient flâner lors des réceptions.
Les mystères du petit Versailles
Outre son aspect de « petit Versailles », le domaine est également réputé pour ses mystérieux souterrains dont certains rejoignent, paraît-il Lann-Bihoué et le château de Keroman. Il existait également au 19e siècle un trou d’eau que les anciens qualifiaient de « trou de la bonne sœur » : une religieuse y aurait perdu la vie. Incontournable d’autre part est ce fameux escalier de pierre en haut duquel Laurent Esnoul Deschateles, ardent partisan du trône et de l’autel, lieutenant de Georges Cadoudal, prêchait la bonne parole à ses troupes durant la chouannerie.
Qui était la famille Esnoult Deschâtelets ?
D’origine normande, semble-t-il, la famille Esnoul s’est installée en Bretagne vers le 15e siècle. Trois siècles plus tard, la famille s’établit à Lorient en y créant une entreprise d’armement naval et de négoce en tissus. Auparavant, le patriarche avait servi dans la Marine Royale, d’abord à la Compagnie des Indes puis comme capitaine corsaire.
Tout va donc au mieux pour le tandem Esnoul – Deschateles, propriétaires de la dernière Compagnie des Indes privée de Lorient. Sauf qu’à l’abri de l’enceinte fortifiée de Port-Louis, la dite société traverse en cette seconde moitié du 18e siècle, une des périodes les plus sombres de son histoire.
C’est pourtant dans ce contexte défavorable que les acquéreurs vont faire fortune, sauvant du même coup de la ruine le port commercial de Lorient. Une réussite qui leur valut des distinctions à la Cour de Versailles.
Une célébrité lorientaise y est née : Dupuy de Lôme
C’est dans ce cadre que naît en 1816 le célèbre et futur grand ingénieur naval, inventeur et homme politique Stanislas Henri Dupuy de Lôme. Il y passera une partie de son enfance. Une statue perpétue sa mémoire au cimetière de Lorient.
Mais, qui est Stanislas Henry Dupuy de Lôme ?
1- Fils de Claude Henri Dupuy de Lôme, capitaine de frégate et de Laurence Jeanne Julienne Esnoul Deschâteles, petite nièce du philosophe Julien Offray de La Mettrie et fille d’un important armateur de la puissante Compagnie des Indes du port de L’Orient.
2- Également l’oncle de Enrique Dupuy de Lôme, ambassadeur d’Espagne aux États-Unis à la fin du 19e siècle, dont la publication d’une lettre adressée par ce dernier aux autorités espagnoles diffamant le président McKinley contribua au déclenchement en 1898 de la guerre hispano-américaine.
3- Cet inventeur de génie a débuté ses études au collège de Lorient, transformé en lycée depuis et rebaptisé Lycée Dupuy de Lôme. En mémoire de son passage, il offrira un de ses portraits à l’établissement, installé à présent au parloir du lycée.
4- On lui doit de nombreux ouvrages comme la rénovation du port de Toulon, la réalisation du 1er cuirassé de guerre océanique en fer, l’invention de l’ancêtre du ferry-boat…
Avec Gustave Zédé, il conseille Jules Verne pour son Nautilus de Vingt mille lieues sous les mers paru en 1869.
Soye : théâtre d’empoissonnements perpétués
En 1842, la mère d’Henri, suite au traumatisme du décès de 2 enfants un an plus tôt, décide de mettre en vente le manoir de Soye. Si Henri envisage de racheter la propriété, ses 2 sœurs lui en dissuadent dans la peur d’une malédiction qui se perpétue.
Ce n’est que 10 ans plus tard que l’on apprend que leur mort était due à la sinistre empoisonneuse Hélène Jégado. Employée, en 1841, comme domestique au service des héritiers de la propriété de Soye, mécontente d’avoir quitté Lorient où elle travaillait auparavant, elle introduisit de l’arsenic dans les aliments de deux jeunes enfants de la famille, ainsi que dans l’assiette des employés de la maison. Considérée comme la plus grande empoisonneuse de tous les temps, elle sera condamnée à mort et guillotinée en 1852.
Cet événement aura défrayé la chronique dans toute la France et marqua d’ailleurs un tournant dans l’histoire du Château de Soye.
La suite de l’histoire du château de Soye
Le château de Soye sera vendu aux vicomtes de Solminihac par successions consécutives (ils en resteront propriétaires durant 83 ans), puis à la ville de Lorient en 1925. L’orangerie sera restauré et le domaine sera affecté aux loisirs de plein-air : école de plein air, auberge de jeunesse et cité des œuvres dédiées à l’enfance. Le 15 novembre 1936, il recevra la visite officielle de Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts.
En 1986, le château de Soye est proposé à la fondation du chanteur Jean-Luc Lahaye pour être transformé en centre d’accueil. Le projet n’aboutit pas et le château, dont la toiture est incendiée en 1988, tombe en ruines.
Le 28 mai 2015, la commune de Ploemeur achète le domaine de Soye à la ville de Lorient et à Lorient Agglomération, précédents propriétaires, afin d’entamer sa réhabilitation.
Les baraques de Soye : au coeur de l'histoire du 20e siècle
Après la Seconde Guerre mondiale
Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses villes du Morbihan se voient sinistrées. Afin de reloger dans l’urgence la population et dans l‘attente de la reconstruction des villes détruites, particulièrement après les bombardements de la ville de Lorient, des cités de provisoires de « baraques » se construisent en masse. Le site de Soye, sur environ 10 hectares, sera l’un des lieux choisis.
Constructions venues d'ailleurs...
Ces constructions sont venues des États-Unis, d’Angleterre, du Canada, de Suisse. Quasiment oubliées aujourd’hui, l’ensemble abrite trois baraques classées Monuments Historiques : une Française, une Américaine et une Canadienne. Elles témoignent désormais d’un pan important du relogement des Lorientais, après la destruction quasi totale de leur ville.
Ils étaient habités le plus souvent par des familles nombreuses, à l’instar de Jean-Claude Derrien, né dans une fratrie de dix enfants, et de sa femme Ginette qui viennent plusieurs fois par semaine bichonner ce que fut leur ancienne maison.
En complément des baraques de Soye, la Grande baraque de Lorient sur le site de Keryado à Lorient accueille le public de façon très exceptionnelle. Contactez le Service des Archives et du Patrimoine de Lorient pour en savoir plus.
L'association "Mémoire de Soye"
Depuis 2002, l’association Mémoire de Soye a redonné ses lettres de noblesse à ce lieu grâce à un très gros travail mémoriel et conservatoire entamé en 2002. Ces restaurateurs du patrimoine sont aussi des amoureux du jardinage : ils n’ont donc naturellement pas oublié la réhabilitation du jardin, organisé sous la forme d’espaces partagés et où fleurissent aujourd’hui 78 arbres fruitiers. Ainsi le potager a retrouvé sa splendeur d’antan sous l’impulsion de cette association. Le Comité d’Histoire de Ploemeur entretient également vivante la mémoire des gens qui ont vécu cette période.
Retrouvez ces passionnés lors de visites organisées par l’association Mémoire de Soye.
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